Fiche n°142

À Brest, la préfecture invoque le contrat d’engagement républicain et refuse une subvention au média associatif Canal Ti-Zef

Présentation

À Brest, alors que la commission du Fonds pour le développement de la vie associative avait validé le projet de subvention du média associatif Canal Ti Zef, la préfecture l’annule au titre du non-respect du contrat d’engagement républicain. Les subventions du média étudiant Radio U et des associations d’éducation populaire Ekoumène et le Patronage Laïque Guerin ont également été refusées sur décision du préfet du Finistère. La sous-préfecture met en cause leur soutien au squat culturel l’Avenir rasé en juillet 2023. Canal Ti Zef dépose un recours et dénonce une atteinte aux libertés associatives.

Description

Début 2023, le média associatif brestois Canal Ti Zef prépare une demande de subvention du fonds pour le développement de la vie associative 2 (FDVA). Ce fond a pour objectif de “soutenir le tissu associatif local de nos territoires, dans toute sa diversité” notamment pour les associations qui s’appuient régulièrement sur des bénévoles. Le fonds est attribué après examen des dossiers par une commission consultative mixte qui réunie des représentants des services de l’État déconcentrés, des élus des collectivités territoriales concernées ainsi que des responsables associatifs locaux. Canal Ti Zef reçoit une subvention issue de ce fond depuis plusieurs années.

Le 1 juin 2023, la commission mixte FDVA régionale instruit le dossier. Le 7 juin 2023, Canal Ti zef est prévenu que la subvention leur est bien accordée. Pour être officielle, la subvention doit être confirmée par un arrêté d’attribution de la préfecture. Une étape, jusque-là, envisagée comme une formalité.

Le 5 décembre 2023, alors que l’association Canal Ti Zef finalise son budget pour l’année à venir, son administrateur reçoit d’une notification de refus de subvention “sur décision de M. Le Préfet du Finistère”.

Le 27 décembre, l’association sollicite préfet et sous-préfet afin d’obtenir un rendez-vous.

Le 4 janvier, le Sous-préfet répond à l’association que la subvention a été annulée au motif que “certains aspects du fonctionnement de votre association étaient incompatible avec le Contrat d’Engagement Républicains”.

À là même période, trois autres associations, Ékoumène, Radio U et le Patronage Laïque Guérin, ont vu le versement de leurs subventions FDVA être annulé par la préfecture. Après réflexion, les quatre associations constatent qu’elles ont toutes un lien avec le Squat culturel l’Avenir. Cet espace culturel, autogéré par les habitants, a émergé suite à la destruction en 2010 de la salle des fêtes éponyme qui se tenait aux abords de la place Guérin. Cette destruction était l’oeuvre de la communauté urbaine de Brest et l’espace laissé suscite diverse projet de la part de la mairie. Un mouvement de résistance citoyenne s’est constitué autour de cette place pour lutter contre l’embourgeoisement du quartier Saint Martin. Ouvert aux collectifs et associations du quartier, le Squat l’Avenir s’est structuré depuis 2015 autour d’animations sociales et d’évènements culturels divers. En 2023, une médiation avec les acteurs publics échoue et l’expulsion du lieu est obtenue en référé. Le 27 juillet 2023, divers corps des forces de l’ordre mènent une opération d’expulsions par la force. Une entreprise de BTP s’occupe de raser les bâtiments.

Pour l’association de quartier le Patronage Laïque Guérin, la pression autour des subventions a commencé plus tôt. Après un dépôt de dossier FDVA en mars, l’association reçoit le 24 avril 2023, un courrier du sous-préfet. Ce dernier explique que son “attention a été attirée à plusieurs reprises sur le comportement d’un des animateurs, salarié de votre association”. Il serait ici question d’un animateur impliqué, hors temps de travail, au sein du collectif Pas d’avenir sans avenir. La justice avait été saisie pour trouble à l’ordre public. Le sous-préfet ajoute “ Outre les suites pénales que la justice donnera à cette affaire, et sans vouloir interférer sur le pouvoir de gestion qui est le vôtre, ce comportement questionne la capacité de cet animateur à exercer les missions qui lui sont confiées dans l’accompagnement de jeunes enfants. (...) Je vous remercie de m’apporter tous les éléments nécessaires sur ce point et les dispositions que vous comptez prendre en la matière, ces informations m’étant indispensables pour apprécier la pérennité des subventions que les services de l’État seront amenés à accorder à votre association dont je salue le travail et le rôle essentiel dans l’animation du quartier ».

Le premier lien entre l’Avenir, les engagements républicains et l’annulation de subventions est ainsi fait. Canal Ti Zef de son côté a organisé plusieurs projections de film à l’Avenir et signé, avec Ékoumène entre autres, une tribune de soutien au collectif Pas d’avenir sans avenir. Radio U est la seule association à avoir été reçu par le sous-préfet. Au cours de l’entretien, on leur a reproché la signature du texte. Or la Radio étudiante n’a pas signé la tribune de soutiens mais a invité sur ses ondes des membres du collectif.

Le sous-préfet a confirmé le lien entre CER et soutient au squat : “Signataires d’un texte défendant la survie de l’Avenir, ces associations ne respectent pas le contrat d’engagement républicain qu’elles ont pourtant signé. Or ce contrat, c’est le respect des lois et des règlements”

Le 5 février 2024, Canal Ti Zef dépose un recours pour “excès de pouvoir” au Tribunal Administratif de Rennes. Dans ce document de 24 pages, l’association circonscrit les liens avec l’Avenir et met surtout l’accent sur la réussite de ses projets ainsi que “Le contexte global de restriction des libertés du monde associatif en France”

Le 4 avril 2024, les quatre associations publient une lettre ouverte, forte de 63 soutiens associatifs à ses débuts, avec l’intention d’interpeller élus, associations et citoyens “sur cette atteinte aux libertés associatives”.

Type d'action collective sanctionnée

  • Signature de tribune de soutien à un collectif informel.
  • Organisation d’événements culturels dans un lieu informel.
  • Emploi d’un animateur poursuivi pour ses activités personnelles.

Institution responsable

  • Préfecture du Finistère,
  • Sous-préfecture de Brest

Conséquences pour l’association

  • Procédure judiciaire.

Sources

"[Exclusif] À Brest, le sous-préfet sucre la subvention d’une télé associative au nom de la loi séparatisme", Splann, 24/01.2024

"Loi Séparatisme : un média brestois perd ses subventions", Reporterre, 25/01/2024.

"Associations privées de subventions à Brest : l’une d’elles saisit la justice", Ouest France, 11/04/2024.

"À Brest, Canal Ti Zef attaque la sous-préfecture au tribunal pour excès de pouvoir", Le Télégramme, 20/02/2024.

"Nous ne voulons pas d’un monde associatif qui se tienne sage !" Blogs de Mediapart, 04/04/2024.

"À Brest, l’État coupe les vivres à une télé associative au nom de la loi séparatisme", Mediapart, 25/01/2025.

"À Brest, l’État boude la fresque des 90 ans du PL Guérin", Le Télégramme, 20/11/2023.

"Privée de subventions par la préfecture, l’association brestoise saisit la justice", Ouest France, 20/02/2024.

"Le sous préfet du Finistère s’oppose au versement d’une subvention. Non Respect du Contrat d’Engagement Républicain", Canal Ti Zef, 25/01/2024.

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