Fiche n°77

A Calais, la préfecture des Hauts-de-France multiplie les amendes pour « user » une association humanitaire

Présentation

En période de confinement imposée par la crise sanitaire du COVID-19, la préfecture des Hauts-de-France impose des restrictions drastiques du champ d’action des associations humanitaires qui viennent en aide aux migrants à Calais. Parmi elles, mise en place d’un couvre-feu, réduction des lieux d’intervention, ainsi qu’une forte multiplication des amendes envers les bénévoles. Dans une vidéo réalisée par un des bénévoles, un policier dit explicitement son intention « d’user » les associations sur le terrain.

Description

17 mars 2020 :
L’exécutif annonce le début d’une période de confinement de la population en France pour faire face à la pandémie du COVID-19.

27 mars 2020 :
Une instruction ministérielle est adressée aux préfet.e.s indiquant que “l’état d’urgence sanitaire ne doit pas avoir pour effet de dégrader les conditions de vie des plus précaires. Les actions de lutte contre la précarité doivent pouvoir se poursuivre en matière d’accès aux droits, aux soins et aux biens de premières nécessités”. A rebours de ces consignes, la préfecture des Hauts-de-France annonce des mesures contraignantes pour les associations humanitaires qui interviennent auprès des migrants à Calais :
Mise en place d’un couvre-feu qui interdit leurs actions entre 20h et 8h30 du matin ;
Restriction du périmètre d’action à certains lieux imposés par la préfecture. Pour Utopia 56 :

« Par cette mesure, le préfet cherche à établir des « no go zone » où l’action humanitaire n’aurait pas lieu d’être, bien que des personnes nécessitant l’intervention des associations s’y trouvent. » ;

Les associations de veille du respect des droits humains, comme Human Rights Observers, qui interviennent notamment lors des expulsions forcées de lieux de vies informels, ne sont plus autorisées à intervenir, et donc à documenter des opérations souvent hostiles et violentes. Entre le 17 mars (début du confinement) et le 4 avril 2020, 54 expulsions ont eu lieu.
Malgré ces mesures drastiques, l’association Utopia 56 annonce sa volonté de continuer à intervenir auprès des migrants à Calais.

8 avril 2020 :
Les associations Utopia 56 et l’Auberge des migrants dénoncent la multiplication des amendes à leur encontre :

« les bénévoles de nos associations ont fait l’objet de 18 amendes entre le 19 mars et le 08 avril dans le cadre de l’exercice de leur mission humanitaire et leurs activités de maraudes d’informations, d’orientations, de distributions de matériel (tentes, duvets, etc) et alimentaires (repas, eau) chaque soirs dans la ville de Calais et ses alentours. ».

Le même jour, Utopia 56 rend public un échange filmé entre l’un de ses bénévoles et un policier :

« - Maintenant à chaque fois que je vous verrais sur le secteur « centre-ville » en dehors de la ZI des Dunes, vous serez verbalisés. Monsieur Manzi, vous avez entendu ça ?
– Non.
– L’Ordre de Malte et le Secours catholique donnent à manger aux SDF. Donc il n’y a plus de problèmes par rapport à eux. La deuxième chose, c’est que le préfet vous a envoyé un mail et vous a demandé de verbaliser… de distribuer sur la ZI des Dunes, donc vous ne ferez pas ça ailleurs.
– Faites votre travail monsieur.
– C’est ce que je fais
– Verbalisez nous monsieur, il n’y a aucun problème.
– il n’y a pas de problème.
– Faites votre travail. Par contre ce que je peux vous dire monsieur, c’est que nous on travaille où on a envie de travailler. D’accord ? Après, vous verbalisez monsieur, mais nous on ne lâchera pas. Allez-y.
– J’ai déjà usé Yann, je peux bien user… Non Gael.
– Non, vous n’avez pas usé Gael, il va très bien et vous ne m’userez pas…
 Il ne vient plus en tous cas.
– Non, il est sur Paris et il a autre chose à faire. Ne vous inquiétez pas, vous avez plus coriace. Vous avez son père en face. Et, on ne va pas lâcher. Faites votre boulot monsieur.
– Bonne fin de soirée.
– Merci, bonne soirée messieurs-dames. »

16 avril 2020 :
Un bénévole témoigne au micro de France Inter :

"J’ai été verbalisé quatre ou cinq fois, je ne me souviens même plus", raconte Yann Manzi, l’un des fondateurs de Utopia 56. "Le harcèlement continue pendant cette période de Covid où on devrait tous se serrer les coudes, mais ce n’est pas grave, même si on risque la prison, on continuera de travailler."

Type d'action collective sanctionnée

Une pratique professionnelle et bénévole : distribution de nourriture et d’équipements aux migrants installés à Calais.

Institution responsable

Préfecture du Pas-de-Calais

Sources

Communiqués de l’association :

Articles de presse :

Date