Fiche n°22

Coups, menaces et intimidations policières envers les bénévoles d’une association calaisienne d’aide aux exilés

Présentation

Depuis 2008, l’Auberge des migrants intervient auprès des exilé·e·s des Hauts-de-France pour leur apporter aide alimentaire, matérielle et médicale. En aout 2018, l’association aux côtés d’autres (Utopia56, Help Refugees, Refugee Info Bus) publie un rapport détaillé sur le harcèlement policier envers ses bénévoles : coups, menaces, intimidations, etc.

Description

7 aout 2018 : Quatre associations de soutien aux migrants à Calais et grande Synthe (Utopia56, Help Refugees, Refugee Info Bus) publient un rapport qui dénonce le harcèlement policier contre leurs bénévoles. L’enquête sur laquelle s’appuie ce rapport a été menée entre le 1er novembre 2017 et le 1er juillet 2018 et s’appuie, sur un matériau quantitatif et qualitatif avec le témoignage de 33 bénévoles. Elle recense

« 646 incidents relatifs à l’intimidation des bénévoles » français et britanniques à Calais et Grande-Synthe. « Cette intimidation va du contrôle d’identité systématique aux amendes de stationnement, en passant par les menaces, les insultes et la violence physique. »

Les associations présentes ce harcèlement en trois grandes catégories :

La mise sous pression constante des bénévoles par les forces de l’ordre. Dans cette catégorie, les associations mettent tout d’abord l’accent sur 214 cas de surveillance des bénévoles par les policiers. Dans plus de 60% des cas les policiers observent les associations qui distribuent des repas, dans près de 30% des cas, les policiers filment les bénévoles et dans 10% des cas les policiers suivent les bénévoles.

Quelques témoignages à l’appui de ces chiffres. Un bénévole de l’association Utopia 56 explique :

« Nous sommes arrivés sur un point de distribution et trois camions de CRS étaient présents et en train de contrôler l’équipe de distribution. Nous avons commencé à filmer les CRS et deux d’entre-eux nous ont filmés en retour sur leurs téléphones personnels. Nous leur avons indiqué qu’ils étaient en train d’utiliser leurs téléphones de façon abusive pour nous intimider. Ils nous ont répondu que nous ne pouvions pas les filmer non plus et alors que l’on contestait cette interdiction, ils nous ont demandé de leur fournir les textes de loi nous autorisant à les filmer. Je leur ai répondu que je ne les avais pas sous la main et un policier m’a dit « Alors ferme là ».

Autre témoignage :

« Nous étions en train de filmer des arrestations lorsqu’une fourgonnette de CRS s’est mise à nous suivre. Ça a commencé à 23h42. Nous avons fait huit tours du même rond-point pour qu’ils arrêtent de nous suivre. Ils nous ont lâché au bout de 20 minutes. Plus tard dans la soirée, nous avons à nouveau été suivis, mais par la police nationale pendant près de 10 minutes. Ça m’arrive régulièrement de me faire suivre par la police pendant que je suis en maraude. Je ne comprends pas pourquoi ils suivent des bénévoles mais je pense qu’ils font ça pour nous intimider. »

Les associations dénoncent également les contrôles d’identité récurrents. 205 contrôles sur les bénévoles associatifs ont été recensés sur la période observée.
Témoignage d’une bénévole de l’association « Help Refugees » :

« À 9h15, j’ai demandé à un policier ce qu’il se passait. Il m’a répondu « rien de spécial » et m’a demandé mes papiers d’identité. Je lui ai demandé pourquoi et il m’a dit que c’était à cause d’une réquisition. À 9h42, j’ai commencé à filmer un groupe de policiers. L’un d’entre eux a commencé à me crier dessus depuis plus loin. Il m’a dit de ne pas filmer et a dit en anglais « Where do you think you are ? What are you doing ? ». J’ai répondu que j’avais le droit de filmer. Il a dit : « dans ce cas j’ai le droit de vous demander vos papiers ». Je lui ai expliqué que j’avais déjà montré mes papiers à ses collègues et il a répondu « je m’en fous ». »

La deuxième grande catégorie de ce harcèlement concerne les entraves aux distributions. 56 incidents ont été rapportés dont des contraventions injustifiées, des interdictions de distribution, des poursuites judiciaires contre des bénévoles.

Un bénévole de l’Auberge des migrants explique :

« Quand nous sommes arrivés et que nous sommes sortis de notre van, trois CRS (numéros RIO 1138531, 1151835, 1132216) sont venus vers nous et nous ont dit qu’il n’était pas possible d’effectuer une distribution ici. Ils ont dit « Arrêtez, c’est fini ici. » Ils nous ont dit qu’il s’agissait d’un ordre de la préfecture. Nous avons demandé un document prouvant cet ordre, mais ils se sont contentés de répondre que c’était à nous d’avoir un document qui justifiait notre présence et nos activités associatives. Un CRS a aussi dit : « Vous m’énervez avec vos documents ». Nous avons expliqué plusieurs fois que nous avions régulièrement distribué du bois à cet endroit au cours du dernier mois. L’un des CRS a contrôlé nos papiers d’identité sans expliquer pourquoi. Pendant le contrôle, les trois policiers se tenaient très près de nous. »

Enfin, la troisième catégorie de harcèlement concerne les violences verbales et physiques : « Les fonctionnaires de police utilisent les violences verbales pour tenter d’intimider les bénévoles et associatifs de Calais. Il est très fréquent que les policiers abusent de leur autorité pour donner des ordres illégaux aux bénévoles ou pour justifier de pratiques policières illégitimes et les menacent si ceux-ci refusent d’obtempérer ou encore les insultent. Depuis le 1er novembre 2017, nous recensons 68 cas d’abus de pouvoir, 21 menaces et 12 insultes des forces de l’ordre contre les bénévoles. » Ainsi que 37 cas de violence physique. Deux témoignages pour illustrer ces chiffres :

« À la fin d’une opération d’expulsion, alors que les CRS s’apprêtaient à remonter dans leurs fourgonnettes, un policier a lancé en passant devant moi « nique ta mère » et s’est éloigné en direction de son véhicule. Je lui ai demandé de répéter sa phrase en lui indiquant qu’il était honteux de s’adresser comme cela à d’autres personnes. Devant son absence de réponse, je me suis adressée au policier qui le suivait de près. Celui-ci m’a alors affirmé « Moi, je n’ai rien entendu » avant de m’adresser un large sourire et de monter dans la fourgonnette. »

« Nous étions en train de filmer une opération d’expulsion quand un CRS tenant une matraque s’est dirigé vers nous en nous disant de nous éloigner en faisant un signe en direction du bout de la rue. Lorsque je lui ai demandé la raison de cet ordre, il m’a répondu « parce que c’est comme ça, c’est la police française. Sortez ». Il a ensuite arraché mon téléphone portable de ma main, l’a jeté par terre et l’a envoyé plus loin sur le bitume d’un coup de pied pour que je ne puisse plus filmer. Je suis allée ramasser mon téléphone par terre et le policier m’a alors dit « Allez, cassez-vous, là ». Un autre policier, placé dans mon dos, m’a attrapée au niveau de la gorge avec son bras et m’a violemment jeté à terre. J’ai crié dans ma chute. Alors que je me relevais il m’a dit « Fallait rester sur tes pattes ». Son collègue, celui qui avait jeté mon téléphone, a pendant ce tem ps poussé Claire et nous a dit « Cassez-vous, maintenant là. Dégagez maintenant ». »

Type d'action collective sanctionnée

Aide aux exilés installés à Calais

Institution responsable

Préfecture du Pas-de-Calais

Preuves

Rapport sur le harcèlement policier des bénévoles à Calais :

Sources

Articles de presse  :

Date