En octobre 2024, l’association Utopia 56 se retrouve inquiétée par trois enquêtes pénales. Des bénévoles et salariés ont reçu des convocations en vue d’être auditionnés pour des faits ayant eu lieu en août 2023, avril et août 2024.
Les 25 juillet et 18 septembre 2023, la préfecture maritime envoie deux signalements au procureur de la République concernant l’association Utopia 56. Une enquête est ouverte pour des faits de “communication ou divulgation d’une fausse information dans le but de faire croire à un sinistre de nature à provoquer l’intervention inutile des secours”. L’association est accusée d’avoir fait des faux signalement d’embarcations en détresse et appelé les secours pour rien. Pour Utopia 56, les faits remontent à un appel passé par une équipe bénévole en août 2023. L’association dément toute volonté de détournement des appels au secours.
Le 2 février 2024, le préfet maritime évoque pour la première fois en conférence de presse des signalements à propos d’associations qui “font le jeu des passeurs” et alerte sur des “faux départs”.
Le Parquet de Rennes annonce avoir reçu un signalement après un appel de l’association le 4 août 2024. Par téléphone, un membre de l’association a transmis aux secours les propos de personnes paniquées face à la suspicion du décès d’un enfant. Le bénévole précise clairement lors de la communication qu’il se fait relais et ne peut être garant de la véracité de ces informations.
L’association effectue des maraudes sur le littoral des Hauts-de-France dans le but d’aider les personnes exilées en danger. “Notre mission principale est de fournir une aide matérielle d’urgence telle que des vêtements, des couvertures de survie, des biscuits et du thé, aux personnes en détresse, qu’il s’agisse de naufragés secourus ou de personnes exilées empêchées de traverser la Manche, explique M. Manzi, cofondateur et délégué général de l’association, cofondateur et délégué général de l’association. La maraude documente aussi ce qu’il se passe la nuit, notamment les violences policières rapportées par les personnes secourues, et informe sur les risques du passage.”. En 2024, Utopia 56 a reçu 384 appels de personnes en détresse et témoigne de nombreux appels de la police et des pompiers en manque d’aide. Aujourd’hui, il est reproché à Utopia 56 d’instrumentaliser des appels au détriment de la vie d’autrui.
Le 9 avril 2024, Utopia 56 poste sur le réseau social X une vidéo dans laquelle on peut voir une embarcation en feu et dénonce le rôle des policiers dans l’incendie. Selon les témoignages reçus par l’association, les forces de police auraient tiré des grenades lacrymogènes en direction des personnes qui tentaient de traverser la Manche. Ces tirs seraient à l’origine du départ de feu. La préfecture du Pas-de-Calais a nié ces informations directement sur le réseau social. Selon cette dernière, les violences de cette nuit-là sont dues à une rixe qui aurait éclaté entre les personnes exilées au moment d’embarquer. La préfecture met en avant que les personnes blessées ont été secourues par les gendarmes.
Le parquet de Saint-Omer, saisi de l’affaire, a lancé une enquête pour “diffamation à l’encontre des forces de l’ordre”.
Ces enquêtes corroborent les propos tenus par la préfecture maritime début octobre 2024 sur le “harcèlement des associations” qui tentent par tous les moyens de contacter l’autorité administrative pour “demander des comptes”.
L’association dénonce une situation “sans précédent” et assure se tenir à disposition de la justice. “Accompagnés par nos avocats, nous répondrons à toutes les questions posées par les enquêteurs et apporterons les éléments factuels démontrant que notre travail est réalisé de bonne foi, dans le respect du cadre légal et dans l’objectif de la sauvegarde de la vie humaine.”. Dans son communiqué, l’association rappelle qu’elle tente en vain, régulièrement, de construire des voies de communication avec les forces de l’ordre et différentes équipes de secours. Utopia 56 témoigne également des 98 contrôles de police et 56 fouilles de véhicules vécus par les équipes dans le nord de la France. Pour l’avocat de l’association “ on semble vouloir criminaliser l’aide aux migrants. On tente de l’affaiblir en dévoyant l’action pénale.”
Vous pouvez retrouver plus d’informations à ce propos dans le rapport de l’Observatoire des libertés associatives “Enquête sur la répression de la solidarité avec les personnes exilées aux frontières”.
Enfin, alors qu’au moins 80 personnes ont perdu la vie en tentant de traverser la Manche en 2024, l’association réitère l’importance des associations humanitaires sur le littoral : “malgré les obstacles que représentent ces enquêtes préliminaires, les équipes d’Utopia 56 continueront à intervenir sur le terrain, jour et nuit, pour fournir une aide humanitaire et dénoncer la violence des politiques migratoires.“