Fiche n°115

Dissolution de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI)

Description

I – Présentation et contexte

Créée en 2008 dans l’agglomération lyonnaise la CRI est une association qui lutte contre l’islamophobie par des actions juridiques, médiatiques et politiques (rassemblements, manifestations, meetings) [1]. Son principal animateur, Abdelaziz Chambi est un ancien militant de Lutte ouvrière passé notamment par la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 et initiateur de l’Union des jeunes musulmans en 1987 [2].
La dissolution du CRI s’intègre dans une vague de procédures conduites par le ministre de l’Intérieur concernant notamment le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), la maison d’édition Nawa, la Ligue de défense noire africaine (LDNA). Le 26 octobre 2021, Gérald Darmanin annonce que « 13 associations diffusant l’idéologie islamiste ont été dissoutes depuis 2017, soit trois fois plus que les gouvernements précédents. » Dans une interview au Figaro un mois plus tôt, Gerald Darmanin avait annoncé vouloir dissoudre plusieurs associations dont « une structure censée lutter contre l’islamophobie dans le Rhône », qui se trouve être le CRI. Au sortir du conseil des ministres ayant adopté le décret de dissolution du CRI, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a fait valoir que cette structure était « à l’origine de discours de haine et de propos antisémites. ».

II - Les justifications de l’institution

Cette dissolution s’appuie sur deux motifs (les points 1 et 6) de l’article 212-1 du Code de la sécurité intérieure que sont la provocation « à des manifestations armées ou a des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens », ainsi que la provocation ou la contribution de l’association par ses « agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine […], de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée » ou « [propagé] des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». Quels sont les faits reprochés à l’association ?
Sur le fond tout d’abord, le décret mobilise quatre grandes thématiques. Au centre des arguments se trouve la dénonciation par le CRI d’une islamophobie diffuse au sein de la société et des institutions françaises. Chacune des trois parties du décret développe ensuite une thématique annexe : 1. la « légitimation » et le « cautionnement » d’agissements violents contre les forces de l’ordre. 2. L’appel à des messages « antisémites » via un discours « antisioniste ». 3. La minimisation de la responsabilité des auteurs d’attentats ou des personnes légitimant le djihad armé.
Sur la forme ensuite, seule cette dernière thématique se base sur des propos de membres de l’association. Les trois premières accusations s’appuient sur des commentaires en ligne sur la page Facebook de l’association postés par des internautes inconnus. Ce qui est donc reproché à l’association, c’est d’avoir laissé ces commentaires en ligne sans les modérer. Ainsi, si des propos antisémites ont été effectivement énoncés sur les pages Facebook de l’association, celle-ci n’en est pas l’autrice. De la même façon, si des commentaires légitimant des agissements violents à l’encontre des forces de l’ordre ont été effectivement postés sur ces pages, ils n’émanaient pas non plus de l’association. Ne pas les supprimer revient-il à les cautionner ? C’est l’interprétation du gouvernement.
Concernant les propos tenus effectivement par les membres de l’association, le décret mentionne les déclarations de son principal animateur, Abdelaziz Chaambi, lors d’un débat en mars 2012 avec l’idéologue d’extrême-droite Alain Soral, au cours duquel il déclarait que l’opinion avait été « manipulée » à la suite des attentats commis quelques jours plus tôt par Mohamed Merah, « que s’il ne s’était pas agi de victimes de confession juive "peut-être qu’on n’aurait pas arrêté le bonhomme" ».

III - La réponse de l’association

L’association annonce son intention de contester juridiquement la décision gouvernementale : « S’il le faut, nous irons à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg et après à l’ONU », déclare Abdelaziz Chaambi. Concernant la modération sur les réseaux sociaux, il indique : « La CRI, c’est une toute petite équipe, sans aucun salarié. Il était impossible pour nous de modérer l’ensemble des commentaires postés sur notre page Facebook. Peut-être pouvions-nous le faire pour 10% d’entre eux. » Concernant ses propos sur l’attentat perpétré en 2012 par Mohammed Merah, Abdelaziz Chaambi explique : « Quant au débat avec Alain Soral, moi, je ne suis pas antisémite, mais antisioniste. Je n’ai aucun problème relationnel avec les juifs. C’est bien pour cela que j’en veux à ceux qui, en France, montent les communautés les unes contre les autres. » Plus largement, sur la dissolution de son association, il dénonce : « Darmanin sait très bien qu’en agissant comme il le fait, il va attiser la haine de la France à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Il fait la course avec Zemmour et Le Pen. […] La dissolution de mon association par décret présidentiel bafoue le principe de la séparation des pouvoirs. On n’a menacé personne, on n’a fricoté avec personne. » [3]
Au final, l’association a donc été dissoute sur la base de propos qui, pour l’essentiel n’ont pas été tenus par ses membres et dont le caractère discriminatoire ou d’incitation à la haine est sujet à caution. Cette affaire étant encore en cours, il relèvera des tribunaux de juger de la légalité de cette dissolution administrative.

Institution responsable

Ministère de l’Intérieur au nom du président de la République

Conséquences pour l’association

Dissolution de l’association

Date