En 2023, la compagnie du groupe de rock Aquaserge fait une demande de subventions auprès de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de Nouvelle Aquitaine. La subvention leur est accordée et leur permet de monter leur spectacle.
En 2024, le groupe réitère sa demande auprès de la DRAC. La compagnie présente son nouveau spectacle jeune public à un comité de douze experts et reçoit onze avis favorables. Les mois passent et, alors que les autres projets auditionnés en commission sont subventionnés, la compagnie ne reçoit aucune notification.
C’est après onze mois d’attente que le refus est notifié avec pour seul motif le contexte : « Indépendamment de la qualité artistique reconnue à ce projet, j’ai le regret de vous informer que la décision adoptée, compte tenu du contexte, est négative »
Si la décision relève du pouvoir discrétionnaire et, par là même, ne fait l’état d’aucune nécessité de justification de la part du décideur, le collectif fait le lien avec une mise en garde reçue quelques mois plus tôt. En effet, la conseillère DRAC avait communiqué aux musiciens de manière officieuse que « la Compagnie Aquaserge ne serait plus aidée » et qu’elle serait « passé entre les mailles du filet » l’année d’avant.
Cette mise au ban intervient dans un contexte particulier puisque depuis l’année 2023 au moins, la préfecture de Corrèze, comme plusieurs de ses homologues en Nouvelle Aquitaine, s’arroge le droit de contrôler la DRAC quant à sa politique de financement des associations culturelles. Plusieurs associations d’éducation populaire, de spectacle vivant ou encore des médias indépendants se sont vues refuser des subventions sans que le motif réel ne soit exposé. Les associations soupçonnent un usage tacite du CER qui permet aujourd’hui de censurer les voix dissonantes.
Cependant, pour les services déconcentrés de l’État, ces restrictions s’inscrivent dans le cadre d’un nécessaire contrôle budgétaire. En effet, la richesse associative dans le Limousin ne serait pas soutenable au regard de la faible population sur ces territoires mais surtout dans un contexte de réduction des dépenses publiques. Les décisions sur les politiques culturelles seraient plutôt en proie à l’application du nouveau mode de gestion publique qu’à une mise en application du Contrat d’engagement Républicain.
Pour Aquaserge, ce refus de subventions s’inscrit dans la continuité des restrictions faites aux associations locales en raison de leur ancrage territorial et des engagements des membres. L’association est basée à Tarnac, sur le plateau des Millevaches, un espace historique de lutte et d’action collective impulsé par des milieux dits alternatifs. Les militants locaux pour la cause environnementale et sociale sont régulièrement mis en cause par les politiques et les médias.
En outre, le nom de Tarnac fait échos à l’affaire judiciaire éponyme. En 2008, les services antiterroristes avaient arrêté une dizaine de personnes dans le cadre d’une enquête sur le sabotage de lignes TGV. Largement publicisée, l’affaire s’est révélée être un fiasco judiciaire : les inculpés ayant été relaxés de tous les chefs d’accusation. Le jugement à fini par statuer sur le fait que le “groupe de Tarnac” n’était qu’une fiction.
Mais cette affaire semble avoir laissé des séquelles puisqu’une des personnes relaxées se trouve être membre du collectif Aquaserge. Dans ce contexte, il est possible que l’ostracisation du groupe de rock soit une suite de cette affaire. Cette explication s’inscrit dans un faisceau d’indices, basés sur les sociabilités des membres des associations, qui expliquerait les ingérences de la préfecture pour retirer les subventions.
Le collectif a décidé de déposer un recours en justice.