Fiche n°122

La ligue de l’enseignement accusée d’accointance avec Tariq Ramadan et d’atteinte à la laïcité

Présentation

La ligue de l’enseignement est un mouvement d’éducation populaire qui revendique 25.000 associations locales et s’appuie sur 103 fédérations départementales. Depuis plusieurs années, elle fait l’objet d’attaques régulières liées à l’invitation de l’islamologue Tariq Ramadan au sein d’une commission « Islam et laïcité » qui s’est réunie de 1997 à 2000.

Description

I- Description des faits et points de vue des institutions

Le 24 janvier 2020, lors de l’émission « L’heure des pros », sur la chaîne d’information en continue CNEWS, Frédérique Calandra, maire du XXe arrondissement de Paris déclare : « Si je puis me permettre, Jean Baubérot, le conseiller éducation de François Mitterrand (…) a fait rentrer Tariq Ramadan, qui était le chef des Frères musulmans en France, dans la Ligue de l’enseignement, qui était le temple des instituteurs républicains. » Et continue : « Chez moi [dans le XXe arrondissement de Paris], il a fallu que je tape du poing sur la table. Un centre social géré par la ligue de l’enseignement voulait faire une exposition de photos sur la façon de joliment porter le voile. Dans un centre d’animation subventionné par la ville de Paris et géré par la Ligue de l’enseignement. » [1]
Le 2 février 2021, le préfet Gilles Clavreul déclare dans une interview au journal Marianne : « Concrètement, je pense qu’il faut sereinement rediscuter les termes des conventions d’agrément avec les grands opérateurs de l’éducation populaire comme la Ligue de l’enseignement qui bénéficient aujourd’hui d’une grande autonomie sur leurs finalités. L’État doit donner un certain nombre d’indications sur son cahier des charges, avoir des renégociations franches avec certains de ces opérateurs historiques. Dans les années 1990, Tariq Ramadan a participé à un groupe de réflexion de la Ligue de l’enseignement. L’État a laissé faire cela et a continué à laisser la bride très large à la Ligue de l’enseignement. » [2]

II- Le point de vue de l’association

Dans une discussion par textes interposés entre la Ligue de l’enseignement et l’Union des familles laïques (UFAL) en 2017, le vice-président de la première, Jean-Paul Delahaye, revenait sur la participation de Tariq Ramadan à la commission « Islam et Laïcité » :
« La Ligue a effectivement pris l’initiative de constituer une « commission laïcité et islam » à une époque ou bien peu de donneurs de leçons d’aujourd’hui s’intéressaient au sujet. Nous nous sommes exprimés à de nombreuses reprises sur cette initiative, mais nous voulons bien reprendre les explications dans l’espoir d’être un peu mieux entendus. Cette commission a fonctionné au sein de la Ligue de 1997 à 2000. Sa seule ambition était de réfléchir sur une question qui commençait à être à l’ordre du jour : les problèmes politiques et sociaux posés par l’intégration de l’islam dans le cadre légal de la laïcité républicaine. Elle a regroupé, outre des responsables de la Ligue, des universitaires, des chercheurs de grandes institutions et des invités de diverses convictions religieuses ou non ayant des sensibilités diverses, y compris chez la quinzaine des participants musulmans. Tariq Ramadan était l’un d’eux. Sa notoriété à l’époque ne tenait qu’à la décision du Tribunal administratif de casser l’interdiction d’accès au territoire français prononcée par le Ministre de l’intérieur, Jean-Louis Debré. Quant aux conseillers de son successeur, Jean-Pierre Chevènement, ils se sont contentés de nous mettre en garde… contre son charisme ! Bien entendu, nous ne pouvions soupçonner les accusations des viols dont il sera accusé vingt ans après. Nous n’avons pas à regretter l’initiative de cette commission ni sa composition. Bien que Tariq Ramadan ait participé à une dizaine de rencontres, la Ligue n’a pour autant jamais été tentée d’adhérer à sa vision du monde, ni contribué, de près ou de loin, à son influence qu’il a su acquérir sans nous auprès de nombreux jeunes. Nous pensons au contraire que c’est parce qu’on a su montrer notre capacité à dialoguer avec tout le monde, sans rien renier, que nous avons pu être entendus par des jeunes de divers collectifs musulmans, et redonner à certains confiance dans la République. Si les travaux, rencontres et colloques de cette époque ont concerné quelques centaines de personnes, ils sont restés trop confidentiels et sur uniquement quelques lieux du territoire pour éviter la situation que nous connaissons aujourd’hui. Aussi, si nous devons avoir un regret, c’est de ne pas avoir su, après 2000, prolonger et étendre ces débats dans tous les départements. » [3]
En réponse aux propos du préfet Gilles Clavreul le 2 février 2021 dans le journal Marianne, Charles Conte, chargé de mission à la Ligue de l’enseignement, rappel le 4 février 2021 :
« Plusieurs publicistes, qui ne souhaitent pas de débats rationnels publics et qui préfèrent l’éradication des adversaires, suggèrent ouvertement de mettre fin aux partenariats entre la Ligue de l’enseignement et les ministères, au premier rang desquels le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. La caractéristique principale de ces attaques est la désinformation. La Ligue de l’enseignement aurait servi de tremplin médiatique à Tariq Ramadan. Rétablissons les faits. Tariq Ramadan fait son entrée sur la scène médiatique française en 1994. Il participe à la très suivie émission de Jean-Marie Cavada "La marche du siècle". Sur la suggestion de l’islamologue Gilles Kepel, pour créer un débat public rationnel. Comme on le sait, l’islamologue ne ménagera pas ses critiques au prédicateur dans ses ouvrages et tribunes. Lison Verriez, journaliste sur France TV Info, relève : "Ce sera la première intervention télévisée d’une longue série. De Laurent Ruquier à Thierry Ardisson, en passant par Serge Moati, Franz-Olivier Giesbert et Frédéric Taddéï, Tariq Ramadan est de toutes les émissions".
La Ligue de l’enseignement affirme que les lois laïques et républicaines doivent s’appliquer à tous les cultes. Devant l’émergence démographique d’une religion mal connue, elle crée en 1997 une commission « Laïcité et islam » qui perdurera trois ans. Les effectifs sont composés de militants d’organisations laïques, de protestants, de catholiques et de musulmans représentant plusieurs courants. Ils varieront de 20 à près de 50. Tariq Ramadan fut un membre parmi les autres. Sa personnalité n’était pas connue telle qu’elle l’est aujourd’hui. Et c’était déjà une figure médiatique. Écrire que la Ligue de l’enseignement a lancé Tariq Ramadan est un mensonge. Un simple coup de fil à nos services aurait permis de ne pas l’énoncer.
A ce mépris de la vérité historique s’ajoute une singulière conception de la liberté associative. Vingt ans après (un délai plus long que la prescription des crimes de sang !), cette allégation mensongère est utilisée pour demander la fin des subventions ministérielles. Cette vision des partenariats et du travail commun entre les ministères et les mouvements d’éducation populaire est révélatrice. Elle donne la fâcheuse impression que celles et ceux qui la portent ne sont pas familiers de l’action concrète. » [4]

Institution responsable

Préfet, maire du XXe arrondissement de Paris

Conséquences pour l’association

Pressions pour une coupure de subventions

Date