M. le Premier ministre, pour notre démocratie, l’agrément de l’association Anticor doit être renouvelé

, par Benjamin Sourice

L’action des associations anti-corruption (seules trois en France sont agréées) est essentielle pour la vitalité de notre démocratie et pour les causes qui nous mobilisent. Alors qu’Anticor fait l’objet d’une déstabilisation en règle de la part de l’exécutif qui menace de ne pas lui renouveler son agrément, plus de 60 associations nationales et syndicats signent une lettre ouverte à Jean Castex pour soutenir l’association anti-corruption.

Lettre ouverte à Monsieur Jean Castex,

L’association Anticor attend depuis plusieurs mois que vous renouveliez son agrément anticorruption lui donnant pouvoir de se constituer partie civile dans des procédures judiciaires visant des affaires de corruption ou de conflits d’intérêts. Le délai d’instruction prenait fin le 2 février, mais vous avez reporté votre décision au 2 avril en demandant à Anticor toujours plus de précisions parfois sans rapport avec les règles d’attribution d’un tel agrément. Tout cela fait légitimement craindre une décision défavorable. Sans cet agrément, Anticor ne pourra plus porter en justice des affaires de corruption au nom des citoyens français. Un scénario à nos yeux inacceptable.

Les conflits d’intérêts et le favoritisme entachent la légitimité de la décision publique.

Nous, associations, militant.es, lanceurs d’alerte ou simples citoyen.nes, sommes régulièrement confrontés dans nos actions citoyennes à des interventions d’individus ou de groupes de pression qui pèsent sur la décision publique en dehors des circuits institutionnels, parfois en dehors du cadre légal. L’intérêt général passe alors derrière celui de quelques-uns. Les conflits d’intérêts et le favoritisme entachent la légitimité de la décision publique.

Anticor est aussi engagée contre la corruption lorsque des élu.es ou des agents publics monnayent leur influence réelle ou supposée dans des décisions publiques, ou lorsque la décision prise bénéficie à leurs proches ou à leurs intérêts personnels.

L’action des associations anti-corruption (seules trois en France sont agréées) est essentielle pour la vitalité de notre démocratie et pour les causes qui nous mobilisent. Elles complètent notre propre démarche en pointant du doigt celles et ceux qui, parmi nos responsables publics et politiques, dévoieraient leurs missions en manquant à leurs devoirs de probité. Elles mobilisent la machine judiciaire, lorsque l’État ne le fait pas, là où les citoyen.nes seul.es ne sont pas habilité.es à le faire. Elles limitent l’influence des groupes de pression et empêchent d’étouffer des alertes.

Alors que le quinquennat d’Emmanuel Macron avait suscité l’espoir en se plaçant sous le signe d’ “une moralisation de la vie publique”, nous assistons aujourd’hui à la remise en cause de droits essentiels pour l’action de la société civile : liberté d’expression, liberté d’association, et maintenant le droit pour les organisations de la société civile engagées contre la corruption d’agir en justice. Le risque de non-renouvellement de l’agrément d’Anticor nous inquiète donc particulièrement car il s’inscrit dans un climat de défiance à l’égard des associations engagées en faveur de l’intérêt général et de la défense des libertés associatives.

Nous vous demandons donc solennellement, Monsieur le Premier ministre, de prendre la pleine mesure de ces enjeux dans la décision que vous devez rendre ce 2 avril à propos de l’agrément de l’association Anticor. Nous vous invitons à renouveler cet agrément.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, notre haute considération.

Publié le 1er avril 2021 dans le Hufftington Post.

Les associations signataires :

ActionAid France - Luc de Ronne (président)
Amis de la Terre - Khaled Gaiji (président)
Association de défense de la qualité de vie au Pays de Bitche - Rémy Seiwert (président)
Bio Consom’Acteurs - Julie Potier (directrice)
Bloom - Sabine Rosset (directrice)
CCFD Terre Solidaire - Sylvie Bukhari de Pontual (présidente)
CFDT Cadres - Laurent Mahieu (secrétaire général)
ChroniLyme - Bertrand Pasquet et Christèle Dumas-Gonnet (Président et Vice-Présidente)
Collectif Ethique sur l’Étiquette - Guillaume Duval (président)
Crim’Halt - Fabrice Rizzoli (président)
Fondation Nicolas Hulot - Cécile Ostria, Directrice Générale
Foodwatch - Karine Jacquemart (directrice)
Formindep - Yannick Schmitt (président)
Greenpeace France - Clara Gonzales et Laura Monnier (juristes)
Institut Veblen - Wojtek Kalinowski (codirecteur)
Ingénieurs Sans Frontières - agrista - Lorine Azoulai (consultante, ingénieure agronome)
Ipam – Céline Meresse (présidente)
I-buycott - Nicolas Guilbaud (président)
Le Pacte Civique - Bénédicte Fumey (représentante)
L214 - Brigitte Gothière (cofondatrice)
Les Petits Débrouillards - Francis Rol-Tanguy (Président)
Maison des Lanceurs d’Alerte - Arnaud Apoteker et Nadège Buquet (coprésidents)
Mouvement pour une alternative non-violente - Marie Bohl (porte parole)
Nothing 2 Hide - Grégoire Pouget (président)
Observatoire des Multinationales - Olivier Petitjean (coordinateur)
Pas sans nous - La coordination nationale
PPLAAF (Plateforme de Protection des lanceurs d’Alerte en Afrique)
Plastic Attack France - Fanny Vismara (présidente)
IASTAR FRANCE, le réseau des Radios Campus - Maïté Baranger (présidente)
Reporters Sans Frontières - Christophe Deloire (directeur général)
Sciences Citoyennes - Aurore Grandin et Jacques Testart (porte-paroles)
SEA SHEPERD - Lamya Essemlali (présidente)
Sherpa - Franceline Lépany (présidente)
Syndicat des Avocats de France - Estellia Araez (présidente)
Sud Travail Affaires Sociales - Sarah-Loëlia Aknin et Damien Coulbeaut, (co-secrétaires)
Syndicat National Travail Emploi Formation Professionnelle - CGT - Valérie Labatut (secrétaire nationale)
Transparency International France - Patrick Lefas (président)
UGICT CGT - Marie-José Kotlicki et Sophie Binet (co-secrétaires générales)
Union Sud Culture Et Medias Solidaires - Henri Boursier (secrétaire général)
Union Syndicale Solidaires - Murielle Guilbert (co-déléguée)
U Levante - La direction collégiale
Zero Waste France - Juliette Franquet (directrice)
La Quadrature du Net (Mathieu Labonde)
Confédération paysanne des Côtes d’Armor - Isabelle Allain (Porte-parole)
Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest - Michel Besnard (Président)

Et des membres de la Coalition pour les libertés associatives :

 Action Droits des Musulmans - Sihem Zine (présidente),

 Collectif des Associations Citoyennes (CAC) - Gilles Rouby (président),

 Tous Migrants - Michel Rousseau (coordinateur),

 ATTAC France - Aurélie Trouvé (porte-parole),

 Centre de Recherche et Information sur le développement - CRID Emmanuel Poilane (président),

 ReAct - Marielle Benchehboune (coordinatrice),

 France Nature Environnement (FNE) - Jérôme Graefe (juriste),

 Ligue des Droits de l’Homme (LDH) - Malik Salemkour (président)

 Ritimo Marie Youakim (coprésidente).

 VoxPublic – Jean-Marie Fardeau (délégué national)