Fiche n°100

Suite à une attaque par un groupe d’extrême-droite, un bar parisien fermé administrativement par la préfecture

Présentation

Ouvert en 2006, le bar Saint-Sauveur, lieu emblématique de la gauche extra-parlementaire et libertaire parisienne, a été fermé administrativement par la préfecture de Paris le 13 août 2020. Dans une justification assez surréaliste, on lui reproche notamment de s’être fait attaquer par un groupe d’extrême-droite deux mois plus tôt.

Description

Janvier 2020 :
Le bar Saint Sauveur, installé dans le quartier Ménilmontant du XXe arrondissement de Paris se voit infligé une fermeture administrative de neuf jour, du 21 au 30 janvier. La préfecture de police de Paris lui reproche de faire trop de bruit les soirs de week-end. Pour Julien Terzics, le propriétaire des lieux : « Ils nous ont demandé qu’il n’y ait pas plus de cinq personnes devant le bar, c’est impossible en fin de semaine ». Il dénonce une multiplication des contrôles de police et des amendes à répétition. Pour lui : « C’est une mesure politique pour nous faire fermer ». Ce que la préfecture de Paris nie : « La police fait son travail dans le cadre des textes en vigueur, de façon neutre et républicaine. Elle est là pour assurer le respect et la tranquillité publique, sous le contrôle du juge. » Pourtant l’attitude de la police interroge jusque dans les rangs de la majorité municipale d’alors. Frédéric Hocquard, adjoint à la vie nocturne du XXe arrondissement déclare alors au Monde :

« dans cet arrondissement, la situation est particulière car il y a une multiplication des fermetures administratives alors qu’ailleurs à Paris cela baisse ou stagne. Il faut trouver une solution ».

Et ajoute également :

« Je me demande si ce n’est pas aussi parce que le Saint-Sauveur est un point de ralliement de la contestation. »

4 juin 2020 :
Vers 21h, une vingtaine de personnes se ruent sur le bar qui accueille alors de nombreuses personnes dans la salle et en terrasse. Armés de manches de pioches de battes de baseball et de bombes lacrymogènes ils agressent violemment plusieurs personnes et détruisent la terrasse et le mobilier du bar. S’ensuit une rixe qui voit les assaillant s’enfuir. Un client blessé avait dû être pris en charge par les secours. L’agression est par la suite revendiquée par des militants d’extrême-droite membres des Zouaves de Paris (ZVP), un groupuscule qui fait suite au Groupe Union Défense (GUD), organisation étudiante violente d’extrême droite radicale. L’attaque n’est pas fortuite. Elle a lieu la veille de l’anniversaire de Clément Méric, un militant antifasciste qui fréquentait le lieu et qui a été tué par un membre d’un groupe de skinhead d’extrême-droite le 5 juin 2013.

13 août 2020  :
Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, signe une fermeture administrative de deux semaines pour le bar Saint-Sauveur. En cause, selon la préfecture : le tapage nocturne dû au bruit de la musique et des clients. Mais la préfecture se justifie également par l’attaque survenue le 4 juin 2020.

15 août 2020 :
Dans un long courrier adressé aux clients, Julien Terzics déclare :

« il y a une volonté à peine voilée de voir fermer définitivement le bar. Ils veulent nous tuer »,

assène-t-il, amer, « après les neuf jours imposés en janvier dernier, les presque trois mois de fermeture dus à la crise sanitaire, alors que nous tentions, péniblement, de remonter la pente. On nous reproche pêle-mêle, à peu près tout et n’importe quoi. Ainsi, outre la rixe, nous sommes sanctionnés, entre autres, parce qu’il y avait trop de monde dans la rue le soir de la Fête de la musique. On nous reproche également la présence de tables et de chaises sur le trottoir d’en face (oui, oui, je parle bien de la terrasse provisoire qui nous a pourtant été accordée comme a tous les bars de Paris après le confinement pour nous aider !) ».

« Bien sûr, nous ne baissons pas les bras, bien sûr nous allons essayer de continuer mais cette nouvelle fermeture de deux semaines risque de nous achever car, pour traverser la fermeture Covid, le Saint-Sauveur, comme nombre d’autres bars, a dû s’endetter rendant sa situation financière encore plus fragile qu’avant… Nous sommes dépités et fatigués face à une situation qui nous semble sans issue. Il faut que ce harcèlement cesse », poursuit Julien Terzics.

Là encore, l’affaire fait réagir dans les rangs du Conseil municipal de Paris. Pour Danielle Simmonet, élue du XXe arrondissement et conseillère de Paris (LFI) :

« On transforme le bar en responsable d’une agression dont il a été victime, alors que la police devrait, au contraire, le protéger des groupuscules d’extrême droite et non lui imposer des fermetures administratives dont les justifications semblent relever de l’arbitraire politique. Le Saint-Sauveur est bien un repaire des antifa de la région parisienne, mais que je sache, ils ne font l’objet d’aucune interdiction. La démocratie est bafouée »

Type d'action collective sanctionnée

Animation d’un bar politisé qui accueille notamment concerts, rencontres et débats.

Institution responsable

Préfecture de Paris

Conséquences pour l’association

Lourd manque à gagner pour le bar ; risque de fermeture ; appel à participation pour sauver l’établissement.

Sources

Document :

Articles de presse :

Date