Fiche n°35

Un collectif d’habitants de Clermont-Ferrand accusé par un député et ostracisé par la municipalité

Présentation

Créé en 2014, le collectif « On est là ! » rassemble des habitants du quartier Saint-Jacques à Clermont-Ferrand. Suite à ses prises de positions sur la rénovation d’un bâtiment et à son investissement dans le mouvement des gilets jaunes, certains membres du collectif ont eu à pâtir de rumeurs, menaces, et intimidation de la part du député local. Le collectif qui demande l’accès à des salles municipales n’est, par ailleurs, jamais entendu.

Description

2014 :
Créé dans le quartier populaire de Saint-Jacques suite à des tensions entre des habitants et des bailleurs sociaux, travailleurs sociaux ou la mairie de quartier, le collectif « On est là ! » réalise depuis un travail de médiation sociale, d’accès aux droits, de soutien aux projets habitants et de valorisation des différentes cultures du quartier.

2017 :
Mairie et agglomération votent le projet de rénovation urbaine du quartier Saint-Jacques qui prévoit notamment la démolition de la « muraille de Chine », un grand bâtiment de l’Allée des Dômes. L’association s’investit aux côtés des habitants concernés et définit six exigences pour le projet de rénovation urbaine.

7 mars 2019 :
Après avoir essayé d’organiser un débat dans le quartier à propos du mouvement des gilets jaunes, et s’être vu refuser l’accès aux salles municipales, l’association s’est invitée au « grand débat » organisé à l’initiative de Michel Fanget, député MODEM de la quatrième circonscription du Puy-de-Dôme. Dans une interview pour le site Internet de l’association APPUII, Sébastien Allary explique :

« Nous avons organisé une rencontre Gilets Jaunes-Quartiers Populaires au même moment, à la même salle que le grand débat pour le détourner en mode plus participatif. De nombreux gilets jaunes et habitants avaient répondu à notre appel. Difficilement, on a pu faire rentrer un mégaphone et installer une buvette. L’ambiance était tendue. L’attaché du député a fait semblant de vouloir co-animer la réunion avec nous. Le temps d’en discuter entre nous (nous discutions dehors), il s’est mis à commencer la réunion publique. J’ai tenté de prendre le micro mais en vain. Nous avons trouvé un accord pour je puisse m’exprimer juste après le député, puis j’ai donné le micro à un gilet jaune. Mais, l’animateur de la réunion a réussi à récupérer le micro et la réunion a pris son rythme paternaliste et électoraliste. De nouveau des gilets jaunes étaient nombreux a vouloir prendre la parole. Comme il y en avait trop, l’animateur a essayé d’instaurer une règle : un gilet jaune un non gilet jaune. Ce qui ne veut rien dire, ou en tout cas laisse encore l’avantage à la parole des dominants, aux élus, aux militants… Notre objectif était de conduire nous même la réunion pour donner la parole aux gilets jaunes et aux habitants. Il ne s’agissait pas d’instaurer un tribunal révolutionnaire contre la personne du député, mais de favoriser la parole de celles et ceux qui ne la prennent jamais ou d’imposer une vraie écoute sur les problèmes sociaux. Certes, nous n’y sommes pas parvenus. Mais, M FANGET, le député n’a pas pu faire sa comm’ ni avec cette réunion au quartier Saint-Jacques, ni sur le dos des gilets jaunes. »

Il continue :

« Le lendemain matin, un médiateur m’a contacté pour m’informer que la voiture du député aurait été cassée et que l’original d’acte d’état-civil de sa mère récemment décédée [le lendemain le quotidien local évoquera le vol de carte de député] avait été volé. Que je devais les rendre ou dénoncer l’auteur … Je suis évidemment tombé des nues. J’ai reçu plusieurs coups de fil de gars du quartier. Certains bienveillants me mettant en garde, d’autres plus menaçants. On affirmait qu’un tel ou un tel me cherchait pour que je restitue la sacoche. Qu’à cause de notre action, notre quartier allait être privé de ceci ou cela… Et, bien sûr, avec des versions différentes, incohérentes. (…) Restent que la rumeur, le mensonge, la menace, l’intimidation ont été utilisées pour essayer de faire taire un opposant. Cette tradition de nervis dans les quartiers n’est pas nouvelle. (…) Même si l’affolement est vite retombé, ça créée du doute donc ça salit. Ça divise, aussi. Le stratagème « diviser pour mieux régner » est bien connu. Mais, heureusement, comme je le disais tout à l’heure, les mentalités ont changé. Les gens, les jeunes, s’informent, voyagent, échangent via les réseaux sociaux. De moins en moins d’habitants, de gens, tombent dans le panneau, affirment leur citoyenneté…
Si cela s’avérerait exact, il est évident que nous condamnons fermement le vandalisme et le vol dans la voiture du député. Mais, comme le fait M FANGET sur Facebook, amalgamer fébrilement celles et ceux qui contestent les politiques gouvernementales à cet acte honteux, à des délinquants, n’élève pas le niveau et laisse planer le doute sur sa volonté de dialogue. »

« On ne règle pas la contestation sociale par le mépris social, le mensonge, l’ostracisme ou la répression ! Nous ne rejetons pas le dialogue, quand il est sincère et constructif. A défaut de véritable développement local sur Saint-Jacques, nous demandons, ainsi et depuis longtemps, une rencontre mensuelle entre les acteurs locaux de politique de la ville, habitants, acteurs institutionnels, député compris. »

Type d'action collective sanctionnée

  • Discours critique du projet de rénovation urbaine du quartier
  • Actions : organisation de débats, de manifestation.

Institution responsable

  • Michel Fanget, député MODEM de la quatrième circonscription du Puy-de-Dôme
  • Municipalité de Clermont-Ferrand

Conséquences pour l’association

En termes de conséquences, il y a eu une démobilisation importante au sein du collectif car les gens ont eu peur bien que ce soit un collectif informel.
Les craintes de Sébastien Allary demeurent aussi sur l’organisation d’événements futurs.

Sources

Entretien avec Sébastien Allary, président de l’association, 18/03/2019

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