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Fiche n°114

La Caisse d’allocation familiale de Dordogne suspend les subventions de deux centres sociaux de Bergerac

Présentation

Début juin 2018, la direction de la CAF de Dordogne faisait savoir aux deux centres sociaux des quartiers populaires de Naillac et La Catte à Bergerac ainsi qu’au maire, Daniel Garrigue, qu’elle suspendait l’équivalent de 300 000 euros de subventions. La CAF reproche aux établissements d’avoir ouvert leurs portes aux habitants du quartier jusqu’à 1h du matin en période de ramadan. Une atteinte à la laïcité selon l’institution.

Description

I Contexte et caractérisation des faits

En 2017, la Caisse d’allocation familiale de Dordogne interpelle une première fois le maire de Bergerac et les maisons de quartier « Brunetière », dans le quartier de La Catte, et « Germaine Tillon », dans le quartier de Naillac à propos de leurs ouvertures tardives en période de ramadan.
Le 1er juin 2018, le maire de Bergerac, Daniel Garrigue, reçoit un courrier de Michel Beylot, directeur de la CAF de Dordogne, qui l’informe de la suspension de l’agrément et des financements de deux maisons de quartier de la ville. La raison est la décision du maire et des deux associations qui gèrent les maisons de quartier d’ouvrir les portes des centres sociaux de Naillac et La Catte à Bergerac de 22h à 1h du matin les soirs de ramadan et de réquisitionner du personnel de ces deux structures pour encadrer ces ouvertures. Le manque à gagner pour ces deux structures est de 300 000 euros.
Le 2 juin 2018, le maire de Bergerac convoque une conférence de presse pour le 6 juin « sur la décision de la CAF de la Dordogne qui a décidé de suspendre l’agrément et le financement des centres sociaux de Bergerac. » Le 4 juin, le maire de la ville prend la parole dans plusieurs journaux locaux pour dénoncer la décision de la CAF [1]. Le même jour, la municipalité annule la conférence de presse prévue le 6 juin. Elle annonce qu’un « effort de médiation associant, à l’initiative de la Préfète de la Dordogne, la Ville de Bergerac et la Caisse d’Allocations Familiales de la Dordogne étant engagé, la conférence de presse prévue pour le mercredi 6 juin est reportée » [2]. Le 5 juin 2018, la préfète Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc, reçoit le maire de Bergerac et le directeur de la CAF de Dordogne. Après une longue discussion entre les deux parties, un accord est trouvé : les subventions sont rétablies, les centres sociaux pourront rester ouverts plus longtemps pendant le ramadan mais également lors d’autres événements. « Nous ouvrirons aussi plus tardivement pendant la Coupe du Monde par exemple et pendant l’été car il y a une demande et un besoin », explique Daniel Garrigue, le maire de Bergerac. Par ailleurs, l’appel au volontariat, pour assurer les heures d’ouverture nocturne ne sera plus seulement ouvert aux agents des centres sociaux [3].

II – Justifications des parties prenantes

1° Une entrave à la laïcité pour l’institution

Pour Michel Beylot, directeur de la CAF Dordogne, l’ouverture des centres sociaux serait « en contradiction avec le respect de la Charte de la laïcité obligatoire dans le cadre conventionnel de financement des services soutenus par la CAF (…) Il ne peut être admis une ouverture en lien avec un contexte purement confessionnel ».

2°Une mesure d’ordre et de sécurité publique pour le maire et les associations

Les associations qui tiennent les deux centres sociaux sont étroitement liées à la municipalité, c’est donc le maire de Bergerac, Daniel Garrigue, qui a pris publiquement la défense des deux associations. Pour lui, c’est une mesure de bon sens qui se contente de répondre à des usages différenciés du quartier lors de cette période : « En cette période de ramadan, la nuit tombe tard et donc la rupture du jeûne aussi. Si bien que les gens se retrouvent dehors tard, au risque d’engendrer du bruit […]. En leur permettant de se retrouver ailleurs que dans la rue, l’ouverture des centres sociaux absorbe cette vie de nuit . On a donc choisi d’ouvrir ces lieux pour éviter les tensions et permettre à ces gens, souvent jeunes, de jouer aux cartes ou autre ». Le maire insiste également sur le manque de moyens et de structures associatives capables de proposer des activités aux populations durant cette période de ramadan. « Le souci c’est que nous n’avons pas d’association disponible sur le secteur de La Catte. Il faut aussi rappeler qu’en temps normal le centre ouvre déjà deux à trois fois par semaine jusqu’à 22h. » Concernant la « réquisition » du personnel dénoncée dans le courrier du directeur de la CAF, le maire affirme avoir « demandé aux agents, sur la base du volontariat, s’ils étaient prêts ».
Pour lui, « la religion n’a rien à voir avec cela. On s’adapte aux habitudes des gens durant cette période. C’est complètement débile de dire cela. Il n’y a aucun caractère religieux là-dedans. C’est comme si on décrétait qu’il ne devait rien se passer à Noël parce que c’est une fête religieuse. » « La CAF fait ce qu’elle veut, mais elle déraille complètement dans cette affaire. […] S’ils persistent dans cette direction, nous attaquerons devant le tribunal administratif » [4].

Type d'action collective sanctionnée

Ouverture des portes de deux centres sociaux jusque 1h du matin les soirs de ramadan

Institution responsable

Caisse d’allocation familiale de Dordogne

Conséquences pour l’association

Suspension des agréments et subventions

Date