Dans une enquête inédite, des chercheurs associés à l’Observatoire des libertés associatives, analysent les dérives de la lutte contre l’islamisme, passé de l’antiterrorisme à l’entrave politique et financière contre des associations auxquelles participent des personnes musulmanes. « Une chasse aux sorcières » qui risque de s’avérer contre-productive et liberticide.
Au nom de la « lutte contre le communautarisme et le séparatisme » ou de « la défense des principes républicains », des associations de défense des droits des musulmans ainsi que celles faisant preuve de solidarité envers ces populations, sont la cible de sanctions de la part des pouvoirs publics. Ces sanctions sont présentées comme une réponse au rôle que jouerait le tissu associatif dans les trajectoires de radicalisation et d’engagement terroriste. Pourtant, la démonstration du phénomène n’est jamais apportée. Certaines associations se retrouvent ainsi la cible d’attaques politiques publiques justifiant des sanctions administratives et financières se passant du recours au droit et à une procédure contradictoire. Ce phénomène connaît une accélération depuis l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020 au point de se transformer en « nouvelle chasse aux sorcières ».
Pour sa seconde enquête, l’Observatoire des libertés associatives, réunissant des chercheurs en sciences sociales et des responsables associatifs, analyse la répression des associations dans le cadre de la lutte contre l’islamisme à travers des cas de sanctions abusives entre 2016 et 2021. Cette enquête montre l’absence quasi-systématique de fondements juridiques ou factuels aux sanctions étudiées, qui vont de l’interdiction d’accès aux équipements publics, au retrait de subventions et à la dissolution.
En pénalisant des associations aux pratiques légales au regard du droit en vigueur, et parfois sur des accusations aux bases factuelles incertaines, ces entraves s’avèrent dangereuses et contre-productives pour lutter contre l’islamisme et les phénomènes terroristes parce qu’elles contribuent à approfondir la marginalisation civique de nos concitoyens musulmans par l’affaiblissement ou la disparition d’associations.
La loi confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme », et notamment le Contrat d’engagement républicain qu’elle impose désormais à toutes les associations demandant un agrément ou un financement, risque de renforcer démesurément les prérogatives de contrôle et de sanctions des pouvoirs publics sur le monde associatif dans un contexte d’instrumentalisation politique des principes républicains.
« La facilitation des conditions de dissolution d’une association ou d’un collectif, sur motivation du ministère de l’Intérieur et décret présidentiel, et leur multiplication ces derniers mois, pèsent comme une menace sur l’ensemble des libertés d’opinion, d’expression et de manifestation indissociables de la liberté d’association » s’inquiètent les associations membres de la Coalition pour les libertés associatives.
« Ces attaques infondées contre ces associations relèvent d’une police administrative idéologiquement motivée, une chasse aux sorcières qui devrait heurter toutes celles et ceux attachés à l’État de droit et aux libertés associatives » indiquaient les auteurs du rapport lors d’une conférence de presse. Malik Salemkour, Président de la Ligue des Droits de l’Homme et de deux députés, Mme Mathilde Panot et M. Aurélien Taché qui ont pu réagir aux propos et faire part de leurs inquiétudes sur "les dérives d’une lutte contre le terrorisme, devenue une lutte morale et identitaire menaçant les libertés associatives".
Contact : contact[@]lacoalition.fr
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