25 associations ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre un décret d’application de la loi « séparatisme » sur le « contrat d’engagement républicain ». Dans un communiqué publié mercredi, elles dénoncent le risque d’atteintes aux libertés associatives.
Greenpeace, Sherpa, Les Amis de la Terre… Pas moins de 25 associations ont saisi le Conseil d’Etat, mardi, inquiètes d’atteintes « disproportionnées et déconnectées » aux libertés associatives. En cause ? La loi dite contre le « séparatisme », officiellement appelée « loi confortant le respect des principes de la République ». Adoptée le 23 juillet dernier après sept mois de navette parlementaire et de débats houleux, elle stipule que toute association sollicitant une subvention publique et un agrément doit s’engager à souscrire « un contrat d’engagement républicain ». Le décret d’application, entré en vigueur en janvier, provoque l’inquiétude des associations à l’origine du recours devant le Conseil d’Etat. Elles dénoncent le « flou » du texte et le risque de « décisions arbitraires » qu’il pourrait engendrer.
Parmi les éléments du « contrat d’engagement républicain » figurent le respect des principes de liberté, égalité, fraternité et de dignité de la personne, l’obligation de ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ou de ne pas troubler l’ordre public. « Le principal problème c’est le flou du contrat d’engagement, explique auprès de Libération Clément Capdebos, avocat qui représente les 25 associations de protection de l’environnement et de lutte contre la corruption qui ont déposé le recours. Par exemple il est exigé pour les associations “un esprit de civisme et de fraternité”. Sur le papier, le principe est très beau mais concrètement qu’est-ce que cela veut dire ? Le texte laisse la place à une grande marge d’appréciation aux autorités administratives, et donc à de potentiels abus. »
« Véritable menace sur nos activités »
Les associations ne sont pas les premières à tirer la sonnette d’alarme concernant la loi « séparatisme ». Lors des discussions autour du projet de loi à l’Assemblée Nationale, la droite comme la gauche s’étaient accordées sur les risques éventuels que celle-ci pourrait faire peser sur la liberté d’association. Une inquiétude qui avait motivé plusieurs recours auprès du Conseil constitutionnel, avant que ce dernier ne la déclare valide. Raison pour laquelle les 25 associations motivent cette fois-ci leur recours par le respect des normes supranationales européennes. « Dans notre recours juridique, nous évoquons notamment les libertés associatives, d’expression et de réunion que consacre la Convention européenne des droits de l’homme. Notre argument est le fait que le décret est allé au-delà de ce que prévoyait la loi sur le contenu et la nature des engagements imposés aux associations », précise Clément Capdebos.
Les 25 associations rappellent par ailleurs dans leur communiqué que certaines actions associatives sont de fait contradictoires avec l’exigence du contrat d’engagement républicain, comme celles de désobéissance civile, un « moyen historique » de mobilisation. « Certaines actions d’associations comme Greenpeace sont par définition illégales. Or, les associations risquent désormais de se voir retirer leur agrément en cas de risque d’atteinte à l’ordre publique ou d’actions de désobéissance. Ce décret dans son ensemble est liberticide », déplore auprès de Libération Laura Monnier, juriste de Greenpeace en charge du dossier. « Cette loi fait peser une véritable menace sur nos activités, et c’est très inquiétant pour l’avenir », complète la juriste. Reste à voir si les magistrats siégeant au Palais-Royal seront du même avis.
Sources :
– Libération, via AFP, 3 mars 2022
– Communiqué collectif des associations requérantes, via les Amis de la Terre France.