Fiche n°49

La mairie du 20e arrondissement de Paris censure un débat sur le féminisme et attaque en diffamation ses organisatrices

Présentation

Au début du mois de février 2015, Frédérique Calandra, maire du XXe arrondissement de Paris, censure un débat sur les violences faites aux femmes en raison de la présence de l’essayiste Rokhaya Diallo. C’est le début d’une affaire qui conduira l’édile, quelques mois plus tard, à porter plainte contre la même Rokhaya Diallo, ainsi qu’une des organisatrices du débat et une représentante du collectif féministe « 8 mars pour toutes ».

Description

Début février 2015  :
A l’occasion de la sortie du film « Je ne suis pas féministe, mais… » réalisé par Florence et Sylvie Tissot autour de la théoricienne Christine Delphy, un cycle de débat est organisé, début mars, autour du droit des femmes. A la manette, plusieurs associations féministes en partenariat avec la mairie du XXe arrondissement, notamment Emmanuelle Rivier, adjointe écologiste à l’égalité femme-homme.
Mais dès réception du programme, la maire du XXe arrondissement, Frédérique Calandra, envoie un courriel aux associations qui indique son refus de voir l’essayiste Rokhaya Diallo intervenir lors de cette semaine de débat. L’élue refuse de discuter de cette interdiction avec les organisatrices et fait des déclarations virulentes dans la presse.

23 février 2015 :
Au journaliste de Médiapart qui vient l’interroger, elle se déclare

« ulcérée de recevoir des leçons de féminisme »

et prévient :

« Si un jour Mme Diallo veut débattre, pas de problème, je la défoncerai ! »

Le même jour, le site internet Les mots sont importants publie un article qui revient sur cette affaire intitulé « Frédérique et Rokhaya sont en bateau, Rokhaya tombe à l’eau » et sous-titré : « Quand Frédérique Calandra, Maire du Vingtième Arrondissement de Paris, censure, pour de très singulières raisons, un débat avec Rokhaya Diallo »

3 mars 2015 :
La rencontre annulée par la mairie trouve finalement place dans une autre salle.

5 mars 2015 :
Lors du conseil d’arrondissement du XXe, des organisatrices du débat et leurs soutiens brandissent des affiches pour dénoncer une censure. La séance est interrompue pendant une heure et demie.

Automne 2015 :
Sylvie Tissot, responsable légale du site et du collectif « Les mots sont importants » est assignée au tribunal suite à une plainte en diffamation déposée par Frédérique Calandra à propos de l’article « Frédérique et Rokhaya sont en bateau, Rokhaya tombe à l’eau ». Quelques mois plus tard, c’est Rokhaya Diallo qui est également l’objet d’une plainte de l’élue pour avoir relayé ce même texte sur sa page Facebook. Enfin, ce sont des militantes du « Collectif 8 mars » pour toutes qui font également l’objet d’une plainte pour avoir rédigé un texte incriminant lui aussi Frédérique Calandra.

19 juin 2018 :
Audience au tribunal de grande instance de Paris.

Type d'action collective sanctionnée

Discours sur le féminisme.

Institution responsable

Frédérique Calandra, maire du XXe arrondissement de Paris

Preuves

Courriel envoyé par Frédérique Calandra. Le courriel indique les motifs de cette interdiction. Il est reproché à Rokhaya Diallo d’avoir : 1. Signé une pétition contre Charlie Hebdo en 2011 ; 2. D’avoir décerné un Y’a bon Awards à l’essayiste Caroline Fourest ; 3. D’avoir déclaré que « ce que dit Ben Laden n’est pas faux » ; 4. D’avoir estimé que la loi française sur le port du voile est « islamophobe ».

Par ailleurs, Rokhaya Diallo intervenant au nom de sa participation au livre Un troussage de domestique, à propos de l’affaire d’agression sexuelle de DSK, les associations s’interrogent également sur la proximité de l’élue avec Dominique Strauss-Kahn, dont elle s’est déclarée « proche » et dont elle fit même son « maitre à penser ».

Plus largement, c’est la conception de l’élue du débat public qui est ici en question puisqu’elle déclare dans Médiapart  :

« L’objectif de ces semaines de débats autour du 8 mars, c’est que la mairie délivre son message sur le féminisme. Or le point de vue de Rokhaya Diallo ne peut pas représenter le féminisme. Elle est faite pour le féminisme comme moi pour être archevêque. ».

Conséquences pour l’association

Dans un texte du 5 octobre 2015, intitulé « De quoi Calandra est-il le nom ? », Pierre Tévanian, membre du Collectif Les mots sont importants explique à propos du harcèlement judiciaire mis en place :

« Calandra est le nom d’une certaine conception du droit, de l’institution judiciaire et de sa fonction. Calandra est le nom de la plainte en justice comme substitut de réponse politique, de l’intimidation en lieu et place de l’argumentation. C’est une procédure épuisante et coûteuse imposée à celles et ceux qui n’en ont pas nécessairement les moyens, pas en tout cas à égalité avec une édile grassement rémunérée, gracieusement défrayée, généreusement entourée, assistée, conseillée. »

Sources

Articles de presse :

Date