Fiche n°129

Tentative de dissolution du Collectif Palestine Vaincra par le ministère de l’Intérieur

Présentation

Le Collectif Palestine Vaincra est dissous par le conseil des ministres le 9 mars 2022. Dans le décret du ministère de l’intérieur, il est accusé d’“appel à la haine, à la discrimination et à la violence”. En cause notamment, des appels aux boycott contre les produits d’origine israélienne.

Description

24 février 2022 : Gérald Darmanin annonce demander la dissolution du Collectif Palestine Vaincra (CPV). Le ministère de l’intérieur accuse ainsi le collectif d’ “appel à la haine, à la discrimination et à la violence”. Toujours selon ce dernier, le groupe “sous couvert de défendre la cause palestinienne [...] cultive le sentiment d’oppression des peuples musulmans [...] dans l’objectif de diffuser l’idée d’une islamophobie à l’échelle internationale”. Enfin, le ministère lui reproche également d’appeler “à la discrimination et à la haine envers Israël et les Israéliens” au travers de campagnes de boycott. Tom Martin, le porte-parole du groupe, “dénonce fermement cette annonce, qui est une attaque contre le mouvement de solidarité avec la Palestine”.

5 mars 2022 : 150 personnes se réunissent à Toulouse pour manifester contre la dissolution du CPV.

9 mars 2022 : le collectif est dissous en conseil des ministres. Le même jour, le ministre de l’intérieur publie sur Twitter le décret portant sur la dissolution. Dans celui-ci sont reprises les dénonciations des appels aux boycott prononcés par le Collectif et ses publications sur les réseaux sociaux. De plus, lui est reproché un manque de modération des débats sur ses sites. Finalement, le décret conclut : “Considérant qu’il résulte de ces différentes publications et prises de position que, sous couvert de défendre la cause du peuple des territoires palestiniens, ce groupement revendique et incite, à travers ses mots d’ordre, ses publications et ses actions, à la haine, à la discrimination et à la violence envers des personne en raison de leur origine, apporte son soutien à des organisations considérées comme terroristes ou des individus impliqués pour des faits en lien avec le terrorisme et légitime ainsi le recours à des actions violentes”.

25 avril 2022 : Dans un article du Monde annonçant le recours déposé devant le Conseil d’État par le CPV, Tom Martin décrit cette décision comme “une manœuvre politique abjecte, qui instrumentalise la lutte contre l’antisémitisme, qui est un combat nécessaire, au même titre que la lutte contre tous les racismes, pour réduire au silence les opposants au gouvernement israélien”.

26 avril 2022 : examen des recours déposés par le Collectif Palestine Vaincra et du Comité Action Palestine, une autre association de soutien à la Palestine dissoute par le Conseil des ministres le 9 mars.

29 avril 2022 : Le Conseil d’État suspend l’exécution des décrets de dissolution des deux organismes. Dans sa décision il statue ainsi que la mesure de dissolution “porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association et à la liberté d’expression”. Concernant la condamnation de l’appel au boycott, le Conseil d’État rappelle que cette action “traduit l’expression d’une opinion contestataire et ne saurait par lui-même [...] être regardée comme une provocation ou une contribution à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes”.
Cette décision fait finalement écho à la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en 2020 qui avait rappelé que l’appel au boycott relevait de la liberté d’expression. À cette occasion, la CEDH avait notamment mobilisé une déclaration du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction lors de l’Assemblée générale de l’ONU de septembre 2019 : “en droit international, le boycottage est considéré comme une forme légitime d’expression politique, et que les manifestations non violentes de soutien aux boycotts relèvent, de manière générale, de la liberté d’expression légitime qu’il convient de protéger”.

Type d'action collective sanctionnée

Soutien au peuple palestinien

Institution responsable

Ministère de l’Intérieur

Preuves

Décret de dissolution et décision du Conseil d’Etat

Conséquences pour l’association

Disparition de l’association

Sources

“Gérald Darmanin annonce sa volonté de dissoudre deux associations propalestiniennes”, Le Monde, 25/02/2022.
“Toulouse. Environ 150 personnes ont manifesté contre la dissolution du collectif Palestine Vaincra”, Actu.fr, 05/03/2022
Le tweet de Gérald Darmanin annonçant la décision du Conseil des ministres, 09/03/2022.
“Un recours de deux associations propalestiniennes contre leur dissolution examiné par le Conseil d’Etat”, Le Monde, 25/04/2022.
La décision du Conseil d’État, 28/04/2022.
“Le Conseil d’Etat suspend la dissolution de deux associations propalestiniennes”, Le Monde, 29/04/2022.
“Première victoire : la dissolution du Collectif Palestine Vaincra suspendue par le Conseil d’État !”, Collectif Palestine Vaincra, 29/04/2022.
“La France condamnée par la CEDH dans l’affaire des appels au boycottage de produits israéliens”, Le Monde, 11/06/2020.

Date